Mettre un pied dans le marche... le pied gauche!
Je remercie Jean Poumarede
d'avoir publié sa réflexion:« l'Art et L'Art... Gent
» car il me permet de la prolonger par quelques mots et
d'échanger avec lui mes points de vue sur les galeries. Je
m'empresse de faire abstraction des faux galeristes
cités dans son article, dont la compétence en l'art se résume
à l'obtention d'un numéro de registre du commerce et d'une
boutique au coin d'une rue parce que c'est plus passant. Comme
les bandits de grand chemin, il vous attendent au coin de la rue,
ces voraces. Ils fonctionnent souvent comme de vulgaires
marchands de tableaux. Ils existent, j'en ai rencontré mais sont
fort heureusement peu nombreux. Au même titre que dans d'autres
professions, remarquez. Jean Poumarede a raison
lorsqu'il écrit que la vocation des galeries est d'être « découvreur
de talents ». Cela étant, il faut proportionner cette
vocation à l'importance de la galerie, son ancienneté et
l'importance de la ville où elle officie. On vendra plus
facilement toutes les expressions artistiques dans une
ville de plusieurs millions d'habitants que dans celle à
plusieurs milliers, c'est mathématique. En clair, il faut
évaluer la capacité (financière) de la galerie à prendre des risques.
Ce qui explique que certaines se couvrent à l'occasion
d'une exposition d'un nouvel artiste, en faisant supporter à
celui-ci une part importante des coûts proportionnés à la
notoriété de ladite galerie. Elles se positionnent alors en
prestataire de service, en loueur de salle.
Je reste plus circonspect, lorsque Jean Poumarede
écrit: « Mais à l'exemple de la majorité des éditeurs
littéraires, les propriétaires de galeries pourraient [...]
faire leur métier qui est celui de découvreur de talents. ».
La comparaison entre galerie et éditeur est fréquente chez les
artistes-peintres lorsqu'ils veulent asseoir l'argument d'aide
aux jeunes talents. Argument mélé, c'est selon, de regret,
d'armertume ou d'aigreur. Argument, soyons honnête, que je me
suis surpris à utiliser aussi. En creux, s'incrit l'idée qu'un
artiste est (fatalement) pauvre et qu'un galeriste est
(fatalement) riche et donc, tel Robin des Bois, ce dernier doit aider
le premier car c'est sa « vocation ». L'art pictural
s'incrit, qu'on le veuille ou non, dans une économie de marché
et les artistes doivent s'y adapter. De tous temps, d'ailleurs,
les peintres ont monnayé leur savoir-faire, leur art.
Il existe des inégalités entre forme d'expression artistique.
Entre les artistes-peintres , les écrivains ou les musiciens,
par exemple. C'est bien la rémunération de l'oeuvre et donc de
l'artiste qui est le coeur de cette inégalité. C'est pourquoi,
certains artistes-peintres demandent à être rémunéré
pour leur présence à une exposition collective. La différence
comptable majeure est qu'un éditeur pourra vendre une oeuvre des
dizaines de millier de fois tandis qu'un galériste, une fois. Un
éditeur pourra se permettre de miser sur un nouvel auteur grâce
à une capacité d'investissement dû à un catalogue de
classiques inlassablement réédité et l'assurance des ventes
des grands noms de la littérature (qui sont achetés mais peut
être pas lus). J'étais d'accord sur la notion de vocation à
être « découvreur de talents », maintenant le
métier d'une galerie est de faire du chiffre d'affaires comme
tous commerces. Si elle recherche des talents nouveaux, ce n'est
pas tant par amour de l'art que pour renouveller réguliérement
son écurie. Par intérêt marketing, en somme. Pour une
exposition personnelle publique, sauf entregent, il
faudra, de tout manière, compter les frais de location, de
communication et de vernissage. Avec le même résultat incertain
quant à sa rentabilité.
Le vrai risque des galeristes se situe au niveau de
l'organisation d'une exposition d'un nouveau venu. La pratique
courante pour ses professionnels et, souvent, de prendre en
dépôt un artiste pour jauger sa clientéle potentielle.
Vous vous retrouvez dans un coin intimiste où vos oeuvres se
retrouvent dans un porte-tableau, en vrac, prés d'un néon à
l'agonie. Avec l'espoir que votre travail soit découvert au
détour d'une fouille par un esthète de l'art. Le risque est
équivalent à zéro pour le galeriste, puisque cela ne lui
coûte rien, il ne demande rien à l'artiste hormis une
commission sur la vente, si vente il y a. Le vrai
galeriste, en bon professionnel, doit connaitre sa clientéle
réguliére. Car, tout est là, vendre réguliérement et créez
avec lui, un binome commercial. Si deux galeries vous refusent,
revenez de préférence vers celle qui vous a dit pourquoi,
car quoi qu'on en pense, le galeriste professionnel est de bon
conseil. Si vous avez vendu, le galeriste vous sortira le grand
jeu, une main sur l'épaule, et entre deux bouffées de
Monte-Christo, vous dira :« Toi, mon coco, tu iras loin... mais
pas chez la concurrence, j'espére... Ah,ah,ah ». On aime bien
rigoler chez ces gens là. Exposition en dur, cimaises et spots
multidirectionnels. « En haut de l'affiche, en trois fois plus
gros, votre nom s'étalera. ». Génial, vous pourrez manger tous
les soirs.
Bon, je plaisante, mais c'est à partir de là que le travail
de l'artiste commence vraiment : continuer à séduire sa
clientèle et donc, ses diffuseurs. L'art est une action
de commerce, au sens littéral du terme. L'oeuvre est un
matériau d'échange qui prend son sens dans une acquisition ou
un don. C'est pourquoi je fustige l'art contemporain pour sa
production artistique approximative mais reste fasciné par son
mode de fonctionnement. Il a escamoté le client final
en tant qu'individu au profit des institutions , a réussi le
tour de force de financer l'artiste pour l'exposition ou la
réalisation de son oeuvre et non pour sa vente et fait en sorte
que l'oeuvre touche un large public. Pourquoi la peinture
numérique ne pourrait-elle pas suivre ce chemin? Vis-à-vis des
galeries, la question est de savoir si tout artiste accepte de
devenir un produit. La dérive commerciale est souvent celle là,
non pas de vendre ses oeuvres (il faut quand même en vivre) mais
d'être amené à formater son travail pour vendre un « nom »,
un esprit de travail, une thèmatique qui sont, de fait,
valorisés par leur exposition. Le travail artistique devient
alors instrumentalisé par les marchands sans que cela
altére, à mon sens, la qualité des oeuvres. Qui d'entre nous
ne s'est pas trouvé, à un moment donné, dans la situation de produire
pour atteindre le quota d'oeuvres exposées? On peut, c'est vrai,
se demander alors, si l'oeuvre est toujours véritablement
oeuvre d'art. Le plus grand mystificateur de l'Histoire de l'Art,
je veux bien sûr parler d'Andy Warhol, l'avait
bien compris et a joué de cette ambiguïté.
Même si comme l'écrit Jean Poumarede,
l'artiste est « mû par un sentiment qui le dépasse
», je ne crois pas, contrairement à lui, que l'artiste (tous
les artistes) ne travaille pas pour l'argent. Cela entretient le
fameux couplet de l'artiste pur situé au delà des contingences
matérielles. « l'argent, c'est sale. Le commercial, c'est
pas beau. ». Si, au moment de l'acte créatif, l'artiste
est dans son oeuvre. Une fois, le travail terminé, il
est dans la (sa) vie. Retour dans le monde merveilleux
des factures. La valorisation marchande doit, bien sûr,
participer au moteur de toute une production et non de
la création d'une toile.
Jean Poumarede écrit que des galeries physiques
ferment à cause « du développement d'un marché parallèle
(notamment via internet) où le pire côtoie le meilleur. »
D'une part, je ne crois pas qu'il existe un marché parrallèle
de l'art sur internet, il s'agit juste d'un complément pour
l'artiste car il lui permet de s'abstraire des coûts innérants
à la diffusion de ses oeuvres. Ce n'est que la continuité d'un
marché existant avec une nouvelle forme de diffusion voire de
vente. D'autre part, seuls, les artistes côtés peuvent
véritablement profiter de ce marché virtuel. Pour les
autres, les jeunes artistes (jeunesse en notoriété et non pas
obligatoirement en âge), internet ne sera qu'un support
informatif. La cotation se fait de toute manière, juqu'à preuve
du contraire, dans une exposition physique ou dans un vente
publique.
Si de nombreuses galeries ferment, c'est simplement à cause d'un
phénoméne de concentration qui existe, par ailleurs, dans
l'industrie. Phénoméne qui ne laissent aucune chance aux
galeries de petite envergure et qui a pour objectif, la recherche
de rentabilité immédiate. Les fausses galeries,
citées plus haut, disparaissent en l'absence d'une vraie
capacité de concurrence. Qui s'en plaindra? Qu'on côtoie le
pire et le meilleur sur internet n'est pas en soi une nouveauté.
Le réseau n'est que la continuité des individus qui composent
notre société. Il rend encore plus criardes par son prisme les
différences existantes et entretient confusemment l'existence du
fameux quart d'heure de gloire cher à Andy. Et non, je
ne crois pas qu'internet remplacera les galeristes physiques.
Surement que leur profession évoluera commercialement au gré
des nouvelles technologies.
Sur internet, la véritable escroquerie se situe aux niveau des galeries
virtuelles qui font payer pour exposer sur une page sans
garantie aucune de toucher un public. Vous payez pour être
réferencé dans un catalogue d'artistes, en quelque sorte. Ce
qui n'est pas sans rappeler les marges arrières des
hypermarchés. Pour conclure, il existe un vrai secteur
alternatif de diffusion d'oeuvres qui, certes n'est pas nouveau
mais a pris son essor en fonctionnant en réseau et en se
professionnalisant. Je veux parler des galeries collectives ou
publiques dont le fonctionnement subventionné, qui n'est pas
assujetti à la rentabilisation des artistes exposés,
permet de découvrir (soutenir l'essor) de nouveaux
talents. Chose que ne peuvent, relativement, plus envisager les
galeries institutionnalisées, coincées dans leur fonctionnement
industriel. Dans leur cas, il s'agit souvent de spéculation.
L'Art est de la matière vivante, donc il sera toujours
préférable, malgré internet, de rencontrer les vrais
gens. L'Art est de la matière passionnelle, donc il sera
toujours préférable, de réagir en professionnel et de jauger
vos interlocuteurs. Et à ceux qui vous disent réguliérement:
« J'aime beaucoup ce que vous faites. », répondez leur:« Vous
m'aimez combien ? ».
Je demeure entièrement d'accord avec le questionnement qui
sous-tend le texte de Jean Poumarede:
Les galeries, dans leur fonctionnement actuelle, défendent elles
l'intérêt des artistes numériques en même temps que les
leurs? Les galeries restent elles un outil incontournable pour la
diffusion de tous les arts plastiques, y compris la peinture
numérique? Je pense que non et que ce réseau professionnel doit
adapter ses méthodes de commercialisation aux nouvelles formes
d'expression au risque de voir émerger un réseau physique
alternatif dans lequel se développera véritablement le marché
de la peinture numérique. La peinture numérique est une
expression artistique qui a le cul entre deux chaises,
elle n'est plus vraiment un art traditionnel et pas vraiment un
art contemporain. Elle est, par nature, souvent dévalorisée au
profit de la peinture à l'huile ou acrylique (enfin tous travaux
uniques rééllement réalisés à la main), par
exemple. Préjugé idiot mais qui tire son existence d'une
soi-disant incompatibilité entre informatique et création et
donc d'un manque de crédibilité artistique et de valorisation
marchande. Pour ce qui la concerne, Il est surement temps
d'envisager un nouveau moyen de diffusion et de promotion
indissociable de son outil de production qu'est l'ordinateur et
de ses périphériques d'impression. Il se pourrait que celui-ci
se développe à l'initiative des artistes eux-même. J'avais,
dans une vie antérieure, émis une idée (qui est restée à cet
état, d'ailleurs) d'un nouveau lieu appelé Centre d'Art
Numérique. Nouveau lieu qui associerait un espace de
production et notamment d'impression pour les artistes,
d'initiation à la peinture numérique pour le grand public.
Ainsi que pour les artistes toujours, un espace d'exposition et
de cotation (vente publique) et un espace de documentation sur
l'art numérique pour tous. Peut-être verra t'il le jour, avec
le soutien des artistes et des amateurs de peinture numérique?