Faux réalisme ?

Une information placée sur le digg-like francophone Scoopeo et également Digg m'a fait découvrir les travaux numériques hyperréalistes de l'artiste anglais Piotr Fox Wysocki présentés dans son portefolio « CGPortfolio » qui compte huit œuvres. Voici son autoportrait réalisé en mars 2007 et qui lui a nécessité pas moins de quatre logiciels : Maya, mental ray, Photoshop, ZBrush.

© Piotr Fox Wysocki

C'est précisément par rapport à cette page mise en lien sur les sites de bookmarking/buzz, où on peut découvrir  son auto-portrait, qu'on peut lire de nombreux commentaires qui mettent en doute la « réalité » de son travail, en parlant même de faux, voire d'arnaque, finalement. Certes, généralement, lorsqu'un artiste expose le déroulement de son travail, il présente toutes les étapes intermédiaires significatives.

Ce n'est pas le cas ici, d'autant qu'il n'aborde précisément pas la partie la plus intéressante de sa réalisation, le travail de la texture, de la lumière et de la retouche et laisse le spectateur sur sa faim avec les uniques étapes de modélisation. D'autant que les nombreuses heures de création (jours et nuits) n'apparaissent pas dans son exposé de travail, malgré l'usage de nombreuses applications. Comme il en montre, soit trop ou pas assez, il éveille le doute. Cela étant, ce type de rendu est tout à fait crédible, puisque j'avais présenté un tutorial photoshop de l'artiste Daniel Hammonds dans un précédent billet qui démontrait qu'on pouvait pousser le rendu trés loin dans le réalisme numérique.

© Daniel Hammonds

Un autre exemple qui reprend le procédé de l'artiste Piotr Fox Wysocki, a savoir la combinaison de travail 3D et 2D. Ce travail de qualité est signé de l'artiste indonésien Max Edwin Wahyudi et a pour modéle l'actrice coréenne Song Hye Kyo.

© Max Edwin Wahyudi

Pour comprendre à quel point le logiciel permet d'atteindre un trés haut niveau de qualité, il suffit  de découvrir les travaux de l'artiste Cali Rezo qui expose également sa technique de création, ou plus proche de ce blog, ceux de l'artiste Patrick Chaudesaigues, visibles sur le forum du blog ou sur son site et Thierry Humbert (son procédé de réalisation est présenté dans sa rubrique « studio »).Par ailleurs, on peut constater l'usage de plus en plus fréquent de logiciels performants en modélisation 3D pour produire une image numérique 2D. Ce qui peut expliquer cette tendance à la création hyperréaliste.

© Cali Rezo


© Patrick Chaudesaigues

© Thierry Humbert

Il est louable qu'un artiste numérique transmette son savoir sur un blog ou un site, souvent au travers d'un tutorial lié au logiciel qu'il exploite, parce que la technique le permet, justement. Cependant, il est moins courant qu'un artiste traditionnel rende publique sa « cuisine ». D'ailleurs, il n'est pas rare qu'il use, par souci d'efficacité, de stratagème pour produire « rapidement » son œuvre, il ne viendrait pas à l'idée, dans ce cas,  de remettre en cause la qualité de son travail. Cette présentation pédagogique d'une œuvre numérique qui oscille entre volonté de transmettre un savoir et volonté de « transparence » dans le but de conforter le travail humain de création, se révèle donc, dans certains cas, à double tranchant.

En ce qui concerne la technique de création, il me revient en mémoire une anecdote. Un de mes amis, peintre-acrylique de talent, avait durant de nombreuses années travaillé à la restauration de tableaux anciens et avait, de fait, « absorbé » les techniques picturales qu'il rénovait. Si bien que sa production personnelle s'en ressentait. Il produisait avec une certaine virtuosité de nombreuses toiles de facture identique, inspirées par son travail de restauration. Nous en avons discuté et il finit d'ailleurs par en convenir en prenant conscience qu'il peignait « mécaniquement ».

L'Art est, certes, la maitrise d'une technique mais après tout, la technique n'est pas une fin en soi. Elle n'est qu'un moyen d'exprimer une émotion.