Ce qu'en dit l'artiste numérique Patrick CHAUDESAIGUES
Une peinture numérique pourrait
être matérialisée sur n'importe quel support et
défini par l'auteur lui même : qu'il ait cette liberté
avec comme seules contraintes certaines connaissances quand aux
divers résultats possibles et leurs tenues dans le temps. La
toile à peinture, au delà de ses capacités à
reçevoir l'impression numérique tend à créer
une confusion entre la "vraie" peinture faite avec des
pinceaux en "vrais" poils et sur ce plan la peinture
numérique ne peut que rivaliser difficilement : elle risque
alors d'être perçue plus comme un procédé
de "manipulation technologique" potentiellement douteux.
A mon sens il faudrait attendre
quelques temps la dissipation de cette confusion pour utiliser ce
support qui n'est qu'un support. Mais chaque auteur est libre,
heureusement. Des labels de matérialisations se mettent en
placent sous l'égide des fabricants de matériels
concernant les oeuvres numériques principalement sur papier
d'après ce que j'en ai retenu (garantie anti uv, tenue dans le
temps exceptionnel, 100 ans et plus ! cachet du fabricant, cachet du
professionnel, celle de l'auteur, de sa voisine et du boulanger du
coin).
La définition pourrait être
de 300 dpi certes mais tout aussi bien 72 ou 600 ou 4 pour peu que
l'auteur, la aussi le juge opportun. Je partage ausi l'idée du
100% fait main mais j'avoue que c'est un peu restrictif et souligne
éxagérement une notion d'artisanat laborieuse et
honnète : un ciel entièrement fait main, une pomme à
main levée, etc. Mais la frontière est mince encore une
fois dans l'esprit commun entre artifice et maitrise (l'on pourrait
se risquer à tenter une comparaison avec le pantographe
tridimenssionnel que certains considèrent comme une
supercherie : de nombreux sculpteurs semblent d'ailleurs avoir caché
son utilisation plus que courante). "Hou ! il triche il décalque
son dessin, hou ! il fait un glisser/déposer d'une de ces
photos de ciel..."
Pfffff ! C'est par le procédé
de matérialisation de l'oeuvre numérique
potentiellement en de multiples exemplaires tous parfaitement
identiques que se pose le problème de l'oeuvre originale
"clone" telle que comparée à une "vraie"
peinture. Même avec la destruction du fichier après
matérialisation comme "garantie" de ressemblance
éthique parfaite avec l'autre peinture, l'inquiétude
restera tenace quand au "complexe" de l'original.
Tout le monde restant persuadé
qu'une copie reste précieusement au coffre. De plus, il est
peut être dommage de détruire le fichier après
tout puisqu'il peut présenter des avantages que l'autre
peinture n'aura jamais (au cas ou ma "Jonconde numérique"
serait détruite dans un incendie par exemple ce serait bien
bête de ne pas avoir la possibilité de la faire
"résucitée" puisque le procédé
le permet.
C'est peut être pour celà
que la peinture numérique n'est pas comparable à la
peinture matière : Non pour ce qu'elle ne permet pas, par
exemple toucher un vrai empattement, mais pour ce qu'elle permet, à
savoir une conservation potentiellement indéfinie. C'est pour
celà que je rejoins François Colin sur sa définition
technique de l'oeuvre numérique qui s'apparenterait à
la gravure.
J'aurais un penchant pour la
"lithographie numérique" et les "pierres/fichiers
lithographiques" mais au final, c'est du pareil au même.
Dans cette définition qui ne permet aucune confusion
concernant le complexe de l'oeuvre originale (je parle aussi de
l'acquéreur potentiel) se trouverait certainement de quoi
rassurer tout le monde pendant quelques temps ! Pour ce qui est des
formats ils pourraient être aussi le choix de l'auteur même
si en la circonstance c'est lui le plus souvent qui devra se plier
aux exigences des procédés et matériels utilisés
par le professionnel.
Enfin, il semblerait apparaitre
qu'avant même sa définition collectivement établie
et partagée nous pourrions presque dresser une certaine
étiologie de la peinture numérique. Par exemple je
pourrais me considérer comme un peintre numérique
traditionnel, un pépé du numérique déjà
! Très proche de la mentalité d'un peintre matière,
du métier de peintre : les glacis, les jus, les frottis,les
médiums, les empattements, le fait main, le savoir du peintre,
peu de filtres, peu d'effets, peu ou pas de calques, etc.
Mais encore une fois et pour moi, la comparaison s'arrêtera ici en renonçant définitivement à l'oeuvre unique substitutive... C'est presque un deuil à bien des égards mais après avoir été jusqu'à envisager que l'oeuvre était en fait le fichier et l'écran au plasma la galerie j'ai considéré que ce n'était pas sérieusement de mon époque. Demain peut être... Certainement pour nos mômes ou alors tout autre chose.
Patrick CHAUDESAIGUES